Editions 10/18,
Classique/Erotique
Publication : 1795 (VF) _ Réédition : 1972, 1999
252 pages _ 7,40 €
Synopsis : L’histoire narre l’éducation érotique, sur une journée, d’une jeune fille, Eugénie de Mistival, que Mme de Saint-Ange et le chevalier de Mirval, son frère, vont initier à toutes les facettes de la luxure et de la gymnastique de l’esprit, aidés du sodomite Dolmancé et d’un garçon jardinier, Augustin.
(Mot de l’éditeur)
4ème de couverture : « Des cinq ouvrages maudits du marquis de Sade, la Philosophie dans le boudoir ou les Instituteurs immoraux est de beaucoup le moins cruel. L’émotion érotique éprouvée par le lecteur s’y transforme rarement en effroi, comme à l’aspect des horribles tableaux de Sodome, des deux Justine et de Juliette.
Souvent telle héroïne de Sade nous est apparue comme la version prohibée d’une amoureuse de Shakespeare. Plus que nulle autre de ses œuvres, la Philosophie dans le boudoir, par sa forme dialoguée, invite à un semblable rapprochement : les phrases d’une rayonnante obscénité que prononcent Mme de Saint-Ange et Eugénie de Mistival, c’est un surcroit de rêve de les imaginer dans la bouche de Cressida ou de Rosalinde pendant l’exaltation du plaisir.
Gilbert Lely »
« Cachez cet auteur que je ne saurais voir ! »
Mon avis : Tête à tête avec un auteur controversé de son époque : j’ai nommé le Marquis de Sade ! Un grand nom pourtant absent des anthologies scolaires. Une personnalité dont on ne refait plus le succès à qui nous devons le « sadisme » sans pour autant avoir touché un roman signé de son nom. Pour ma première rencontre avec l’auteur et suite au conseil d’un ami, c’est ainsi que j’ai finalement jeté mon dévolu sur l’une des œuvres la moins choquante, voir même la moins cruelle. Alors, quoi de mieux que La Philosophie dans le boudoir ou les instituteurs immoraux, portant en sous-titre « Dialogues destinés à l’éducation des jeunes filles » ?
Un roman découpé en sept dialogues comblé un peu avant la fin par une partie lecture d’une revue intitulé « Français encore un effort si vous voulez être républicains ». Tout ceci avec un avant-propos vraiment intéressant puisque celui-ci prévient le lecteur, le mets en condition tout en précisant qu’une bonne partie du livre est à prendre au second degré.
Car tout au long de l’histoire il est question de l’initiation sexuelle d’Eugénie de Mistival que son père a bien voulu laisser à Mme de Saint-Ange et le chevalier de Mirval pour parfaire son éducation, et ainsi la former au libertinage. Une formation agrémentée de mots, d’exemples et de mise en pratique aidée par un libertin de première : un certain Dolmancé, qui prône la sodomie. Le tout saupoudré à profusion d’idées philosophique de l’auteur, traitant de certains thèmes un peu poussé à l’extrême mais avancé sur son époque.
Un livre curieux puisqu’il n’est composé que de dialogues entre les personnages avec une petite pointe de
description qui passe presque pour imperceptible. Deux cent pages pendant lesquelles Mme de Saint-Ange et Dolmancé vont former Eugénie. Pour se faire, ils commencent par la voie des mots.
Précisant que pour faire il faut défaire ce qui a été instauré, allant s’attaquer à l’éducation de la jeune fille encore prude. Faisant tomber à bas les préjugés pour révéler d’autres vérités.
Pendant cet échange les thèmes de la liberté, de la religion, de la politique et de la morale seront abordés et décortiqués. Allant même parfois dans les propos jusque dans la luxure outrancière
et illimitée (jusqu’au crime), le discours (philosophie et politique), insurrectionnel et illuminé, pour l’avènement d’hommes naturels jouissant sans entraves. Le cinquième dialogue de
« Français encore un effort… », le summum des opinions révolutionnaires de l’auteur où tous les points abordés seront approfondis.
Puis une fois le cours terminé, la pratique intervient. Fait alors son apparition le chevalier de Mirval qui va instruire Eugénie avec l’aide de son ami Dolmancé. Ils lui feront découvrir et partager une palette diversifiée des plaisirs charnels auquel tout être humain est en droit de se donner. Sauf à la fin du roman où vient se mêler douleur et torture que j’ai très mal digéré.
Je dois avouer qu’en général j’ai aimé ce roman. J’ai apprécié certains propos comme par exemple le moment où il est expliqué à Eugénie que contrairement à ce qu’instruit l’église, la femme n’est pas qu’un corps pour concevoir. Il est aussi un corps avec lequel il est permis de jouir, contrairement à ce qu’en dit le dogme. D’ailleurs, il est même avisé aux hommes de jalouser leur façon de jouir qui est bien plus conséquent et long que le leur. Et qu’en plus, la femme mariée de force n’a aucune raison de devenir l’esclave d’un homme inconnu. Des principes qui m’ont ramené aux « citations du jeudi » sur le blog de Marie L. qui par des extraits d’œuvres met en avant la condition de la femme qui ne fut pas toujours celle du XXIe siècle.
J’ai aussi été profondément marqué par le sujet de la religion où Dolmancé remet en question l’identité du dieu unique. Selon lui, l’identité du « Dieu » est une insulte à la nature. Car si pour Dieu le sexe et le plaisir qui en résulte est un péché, pourquoi en avoir doté l’Homme ? Pourquoi en avoir doté les Animaux et l’Homme ? L’auteur allant même jusqu’à annoncer que si l’acte est tellement naturel aux animaux, alors cela ne fait de l’homme qu’un animal de plus. Un animal créé par la Nature et non par un Dieu quelconque comme l’annonce la Bible. Une idée qui m’a faite sourire puisqu’il y a quelque temps maintenant la science a prouvé que l’Homme était bel et bien un animal et non une création d’une entité divine, mettant un peu la pagaille dans les écritures religieuses.
D’autres points en rapport avec la religion sont abordés mais je ne vous les citerais pas mais vous aurait compris que l’auteur célèbre la raison de la Nature avant toute chose.
Extrait :
« Direz-vous, par exemple, que le besoin de me marier, ou pour voir prolonger ma race, ou pour arranger ma fortune, doit établir des liens indissolubles ou sacrés avec l’objet auquel je m’allie ? Ne serait-ce pas, je vous le demande, une absurdité que de soutenir cela ? Tant que dure l’acte du coït, je peux, sans doute, avoir besoin de cet objet pour y participer ; mais sitôt qu’il est satisfait, que reste-t-il, je vous prie, entre lui et moi ? et quelle obligation réelle enchaînera à lui ou à moi les résultats de ce coït ? Ces derniers liens furent les fruits de la frayeur qu’eurent les parents d’être abandonnés dans leur vieillesse, et les soins intéressés qu’ils ont de nous dans notre enfance ne sont que pour mériter ensuite les mêmes attentions dans leur dernier âge. »
Je ne suis pas tout à fait de cet avis mais cet extrait m’a marqué suite à un reportage que j’ai vu sur les pratiques du mariage jeune en Inde. Là-bas, à cause de la pauvreté les parents marient leurs enfants très jeune (parfois à 3 ans), afin d’être sûr que lorsque ces derniers sont en âge d’engendrer (des filles de 14 ans se retrouvent enceintes suite à un mariage forcé et en meurent même), ils pourront subvenir à leurs besoins dans la vieillesse. Un acte dicté par la peur et la famine.
Au final, malgré toutes les rumeurs Sade n’en reste pas moins un auteur intéressant à découvrir.
Extrait :
« Considère en effet, Eugénie, une jeune fille à peine sortie de
la maison paternelle ou de sa pension, ne connaissant rien, n’ayant nulle expérience, obligée de passer subitement de là dans les bras d’un homme qu’elle n’a jamais vue, obligée de jurer à cet
homme, aux pieds des autels, obéissance, une fidélité d’autant plus injuste qu’elle n’a souvent au fond de son cœur que le plus grand désir de lui manquer de parole. Est-il au monde, Eugénie, un
sort plus affreux que celui-là ? »
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The Bursar 22/12/2010 22:14
Ambroisie 23/12/2010 10:32
The Bursar 22/12/2010 20:52
Ambroisie 22/12/2010 22:10
The Bursar 22/12/2010 11:16
Ambroisie 22/12/2010 20:08
The Bursar 21/12/2010 18:44
Ambroisie 22/12/2010 09:36
Anne Sophie 14/12/2010 15:06
Ambroisie 15/12/2010 18:24